Chaque année, c’est pareil : avec Roland-Garros, la météo prend enfin un sens capital. Tout ça pour voir gagner des étrangers…
JUBILONS !
Cette année, juin est le mois où ça déménage méchamment : comme d’hab, le bac qui commence, Roland-Garros qui finit, mais en prime, on aura droit aussi à l’Euro de foot, avec en ligne de mire les jeux Olympiques. Le jubilé de Mémère II, c’était un extra, et de toute façon, il a pas fait beau. Les chiens de la dame sont restés à la niche, moins cons que ses sujets, qui sont venus en masse sur les bords de la Tamise et ailleurs voir leurs impôts se diluer dans la splendeur humide d’une monarchie ravagée par le radada des princes du sang, les confessions des majordomes, et les dérapages des princesses dans les souterrains parisiens.
D’accord, on ne choisit pas sa famille royale, mais celle-là, faut se la farcir, et assurément les British sont un petit peuple très courageux, mais un peu naïf vu de chez nous. On a tapé à bras raccourci sur Sarko, ses sondages, son avion, qui nous coûtait un bras, mais la Queen, en comparaison, c’est les deux bras – et ils l’adorent.
La City a bousillé 100 000 emplois en deux ans, et on lui offre des fleurs. Dans les banlieues d’immigrés, on lance une monnaie communautaire, et on se cotise pour refaire les tapisseries de Buckingham Palace.
Les Jeux Olympiques risquent d’être un désastre financier sans précédent dans une capitale sinistrée par la spéculation immobilière, et on offre un bavoir au prince qu’on sort de plus en plus rarement. Cameron se fait entarter dans ses municipales, et pour encenser la souveraine, c’est le derby des psaumes. La monarchie ne connaît pas la crise.
RECYCLAGE
Heureusement que nous, les Français, on connaît. Au Palais Royal, on a le Conseil Constitutionnel, pas une collection de chapeaux. C’est là qu’on gare nos présidents usés.
Sur trois survivants, il y en a un qui a pris la route de l’Ouest, et deux qu’on a balancés après un mandat, signe qu’on les avait jugés plutôt nazes. Eh bien, ces deux là, ils vont faire les experts. C’est à des détails comme ça qu’on voit la grandeur des nations : à la minceur des épluchures, faut rien jeter de ce qui peut encore servir, c’est le principe dit « la sagesse de Guy Roux », la récupération des restes, les sacs plastiques pour protéger les baskets, les vieilles jantes de pneus pour faire des barbecues où l’on cramera la merguez sur une grille de frigo. En brûlant des vieux cageots. Même Jeanne d’Arc, on a fait des brochettes sur les braises, dès que les Anglais ont eu tourné le dos.
Donc, vous reprendrez bien un peu de Sarko ? Vu le mode de désignation des conseillers, il ne trouvera là que des copains. Je plaisante. Et c’est pas un job au noir, c’est déclaré et tout, ça nous coûte le salaire de six profs par an, sans compter le fauteuil spécial sur talonnettes pour qu’il arrive pile au niveau de Giscard.
Il paraît que le petit nouveau va fréquenter assidument les séances de « questions préalables de constitutionnalité ». La première question préalable, ce serait de savoir son niveau en droit constitutionnel. En jogging, il est pas mal, mais en droit constitutionnel ? Vous accepteriez d’être jugé par un joggeur, vous ? Ah mais, il a intérêt de potasser ses Dalloz dans les beaux bureaux qu’on lui offre gracieusement, onze pièces rue de Miromesnil, ça en jette. Juste entre l’Elysée et son cabinet d’avocat. 180 000 euros par an. Y a une cuisine, une salle de bains (avec bidet ?), un parking discret. Bref, le baisoir idéal. Reste à savoir qui est baisé, dans l’affaire.
LA TERRE NE MENT PAS
Pendant ce temps, la Corrèze s’installe au Palais. Enfin, plutôt dans les jardins. Comme il faisait beau, on a pris quelques photos. Les bras ballants comme l’ami Bidasse, le chef de l’Etat est venu inspecter les pelouses (nickel, les Anglais n’ont qu’à bien se tenir) et s’est exposé pour sa photo officielle. On a si longuement commenté ce cliché que je ne vois rien à rajouter. Si, peut-être une vache dans un coin, ou un accordéoniste auvergnat.
Réflexion faite, il y a quelque chose qui manque : un chien, par exemple. Aux dernières nouvelles, on ne sait même pas si les concubins de l’Elysée ont un chien. Le changement, c’est maintenant : il est de tradition, depuis le départ de De Gaulle, que les présidents aient un chien, chargé d’aboyer si le fantôme du grand Charles venait hanter les couloirs. Un labrador, de préférence. Pompidou avait un labrador, discret. Giscard en a pris deux, un pour laver l’autre, comme disait ma grand-mère. Mitterrand aussi. Chirac n’a pas pu faire moins que d’en caser un entre deux bichons maltais. Ce con de labrador a, paraît-il, bouffé les canards de Mitterrand, qui avait demandé au nouvel élu de bien s’occuper de ces volatiles. Allez vous fier aux corréziens de souche !
Et Sarko ? on lui prête, à lui aussi, un labrador nommé Clara (respectez l’ordre des lettres), un terrier et un bâtard. Mais on l’avait rarement vu avec un chien dans ses jambes : ces bêtes, ça ne rapporte que ce qu’on leur lance. Et Hollande ? pour le moment, on ne lui connaît aucun animal de compagnie, malgré les allusions déplacées d’un grand paltoquet de le Droite Vulgaire. Au Bourget, Franzy a déclaré haut et fort qu’il aimait « les gens », ça doit être pour ça. Du reste, pendant la campagne, il n’y a que Marine qui a parlé des bêtes et de leur pâtée.
Ça nous change de 1988, souvenez-vous, au débat entre les deux tours, de cet échange entre cabots – Chirac vient d’évoquer la TVA sur la bouffe des chiens et des chats, et Mitterrand lui rétorque : « Vous avez parlé des chiens et des chats, moi aussi, je les aime beaucoup. D'ailleurs je crois que nous avons des chiens de la même race, Dieu sait si l'on s'y attache... Mais vous n'avez pas le monopole du cœur des chiens et des chats. » Mais faut pas désespérer : le chien, c’est rural, comme les charentaises, le béret et l’accordéon. Je parie qu’Hollande va s’y mettre, je le sens, maintenant qu’il a de l’espace et des gars pour promener Médor.
FILET BIEN RASSIS
Et puis, donc, il y a Roland-Garros. Un fléau, si vous voulez mon avis. Si l’on y réfléchit un tant soit peu, il n’y a rien de plus ennuyeux qu’un match de tennis. Le jouer, c’est crevant pour les jambes, le regarder, ça te nique les cervicales. C’est pourquoi on va à Roland-Garros, tout le monde vous le dira, pour être vu quand on est riche, célèbre et con. Sinon, c’est mieux à la télé, pas besoin de tourner la tête, et il y a des gros plans sur les jupettes. Avec des ralentis émoustillants. Quoique question jupettes, le meilleur semble derrière nous : la tenniswoman d’aujourd’hui est robuste, et quand elle hurle « Rhâaaa… », c’est pas qu’on est en train de lui faire voir le septième ciel. Comme elle hurle une fois par coup, qui pourrait tenir le rythme ? C’est devenu tellement tendance, ce râle, que si vous coupez le son, y a plus rien à voir. Peau de balles. Il y en a d’autres qui font : « Hihihiiii… ». D’autres : « Wraouou… ». Cette variété fait désordre.
Le tennis c'est du racket
Personnellement, je trouve que la pratique du tennis devrait être réservée aux mannequins non anorexiques et non boulimiques qui crient « Cocorico ! » en balançant leur coup droit lifté. Cela dit, on peut sans inconvénient supprimer la balle, la raquette, le filet et tout ce matos encombrant, racler la brique pilée, labourer profond et semer des radis, pour manger avec du beurre. Quand on pense qu’on démolit des serres pour faire courir tous ces cornichons… Virez-moi ces Espagnols, ces Suisses, ces émigrés de l’ex-Yougoslavie, et alors, un Français aura la chance de gagner. Après quoi, il ira résider en Suisse. Comme les Suisses et les Espagnols. Le tennis, c’est du racket.
A Roland-Garros, quand il pleut, c’est la cata. La vente de Ray Ban authentiques ou quasi dégringole en chute libre, les programmes télé sont perturbés, à la place de la demi-finale on rediffuse trois épisodes de Derrick, les ramasseurs de balles retournent au lycée redoubler leur seconde, et Yannick Noah explique que de son temps, il faisait beau. A Wimbledon, quand il pleut, c’est normal, et même souhaitable, parce que sans ça le gazon fait la gueule. En fait, c’est la reine qui fait la pluie et le beau temps. Ce qui montre que les Anglais sont pas si cons que ça, malgré leurs jubilés.
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