Pour la première fois, deux équipes africaines ont atteint les huitièmes de finale de la Coupe du Monde. Présentation du Nigeria et de l'Algérie qui jouent leur sort aujourd'hui. Par notre partenaire Mondafrique.com.
Le Nigeria est à l’Afrique ce que l’Italie est à l’Europe : une équipe souvent brillante en phase finale mais poussive en éliminatoires. Sacrés champions d’Afrique pour la troisième fois de leur histoire lors de la CAN 2013 en Afrique du Sud, les Super Eagles avaient séduit, surclassant la Côte d’Ivoire et le Mali avant de vaincre sans péril le surprenant Burkina Faso en finale.
En comparaison, leur campagne de qualification pour le Mondial fait pâle figure. Pourtant tombés dans ce qui était certainement le groupe le moins relevé du plateau, avec en ses rangs le Kenya, le Malawi et la Namibie, le Nigeria a certes décroché la première place, mais s’est le plus souvent contenté du minimum. Un football d’épicier aux antipodes de la générosité offensive affichée à la Coupe d’Afrique. En barrages, les Super Eagles furent plus efficaces que séduisants, battant l’Ethiopie sans trembler mais sans convaincre. Quant aux prestations de l’équipe en Coupe des Confédérations l’an passé au Brésil, elles furent correctes dans le contenu mais frustrantes dans les résultats, avec une difficulté persistante de l’équipe à concrétiser ses temps forts. Comme les matchs nuls collectionnés en matchs amicaux face à l’Italie (2-2) ou au Mexique (0-0).
Forces et faiblesses
Constellé de talents, l’effectif du Nigeria ne manque pas d’atouts Mais tous ne semblent pas au mieux en cette période d’avant-Mondial. Dans les buts, les Super Eagles peuvent compter sur un gardien au sommet de son art en la personne de Vincent Enyeama. Issu du club d’Enyimba, passé longuement par le Championnat israélien et installé dans la peau d’un titulaire à Lille, l’agile portier a été remporté le mois dernier le trophée Marc-Vivien Foé du meilleur joueur africain de Ligue 1 remis par RFI et France 24. Devant lui, la défense ne présente guère de faille… quand elle est au complet. Or, ce n'est pas le cas au Mondial, puisqu’Elderson Echiejile (Monaco), inamovible dans le couloir gauche, a déclaré forfait, et qu’un doute persiste sur l’état de santé du prometteur Kenneth Omeruo (Middlesbrough) dans l’axe. Et comme les remplaçants sont loin d’être à la hauteur, le Nigeria a de quoi se faire un peu de souci.
Habituellement partisan d’un 4-3-3 offensif, Stephen Keshi fait confiance à une paire de récupérateurs solide avec John Obi Mikel (plus de 30 matchs par saison à Chelsea depuis huit ans) et Ogenyi Onazi (Lazio Rome). Le troisième poste de l’entrejeu, plus offensif, ne sera pas cette fois confié à Sunday Mba : si brillant lors de la CAN 2013, le joueur du CA Bastia a été écarté. La question de son remplacement se pose, et une mise en place en 4-2-3-1 n’est d’ailleurs pas à écarter, le Nigeria comptant pléthore de milieux offensifs de qualité. En pointe, l’efficace Emmanuel Emenike est incontournable, comme l’insinuant Moses et le véloce Musa sur les côtés.
Ce qui se trame en coulisses
Si le Nigeria n’a pas toujours été, loin s’en faut, un modèle de gouvernance, la préparation du Mondial 2014, la cinquième participation des Super Eagles au rendez-vous mondial, s’est faite dans une relative sérénité. Dans le cadre du budget de la Fédération, chaque joueur empocherait 10.000 dollars pour chaque victoire en phase de groupes. Une victoire en huitième de finale leur vaudrait un bonus de 12.000 dollars, 15.000 en quart de finale, 20.000 en demi-finale et 30.000 en finale. C’est au total un budget de deux milliards de nairas (un peu plus de 12 millions de dollars) qui a été soumis au Parlement par la Fédération pour le financement de la campagne des Super Egales en Coupe du monde 2014.
Souvent envahissante, voire « ingérente », la tutelle sportive s’est cette fois engagée à laisser travailler Stephen Keshi tranquillement. Le sélectionneur, très respecté dans le pays, se sait en position de force face aux instances. Au lendemain de la victoire à la CAN 2013, il avait menacé de claquer la porte afin d’accélérer le paiement de ses arriérés de salaires. La Fédération a donc pris les devants. « Nous avons décidé de payer dès maintenant les salaires de Keshi et de son staff jusqu'en juin. Les intéressés recevront ces paiements avant la fin du mois [d’avril] », déclarait début avril Emeka Inyama, membre du comité exécutif de la NFF à Kick Off Nigeria. « Nous ne voulons pas de déconcentration avant la Coupe du monde. En tant que Fédération, nous savons ce que nous avons à faire. C'est pourquoi il n'y a pas eu comme lors des précédentes qualifications de discussions sur la préparation, le choix des hôtels et tous ces autres sujets qui nous avaient alors éloigné du football. » Dont acte. Pour l’instant…
Ce qu’ils peuvent espérer
A l’annonce du tirage au sort, le Nigeria était partagé entre deux sentiments : l’un d’inquiétude résultait du fait qu’encore une fois, les Super Eagles étaient tombés dans le groupe de la redoutable Argentine. En 2010, les Sud-Américains l’avaient emporté (1-0), mais pas en 2002, édition qui les vit rentrer à la maison prématurément comme le Nigeria. Pour jouer ce match l’esprit plus tranquille, le tirage au sort a réservé un crescendo parfait aux hommes de Stephen Keshi, avec d’abord l’Iran, probablement l’équipe la plus faible du groupe, puis la Bosnie-Herzégovine, talentueuse mais sans repères au haut niveau, avant de se frotter à Lionel Messi et aux siens.
Comme les Nigérians ont bien négocié leurs premiers matchs, la France se dresse désormais sur leur route en huitièmes de finale. Lors du dernier affrontement entre les deux équipes, le 2 juin 2009 à Saint-Etienne, ce sont les Nigérians qui l’avaient emporté...
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L’Algérie occupe aujourd’hui le premier rang africain au classement mondial des sélections de la FIFA. Sans faire de bruit, les Fennecs, dirigés depuis trois ans par Vahid Halilhodzic, recueillent les fruits de leur régularité dans les résultats. S’ils ont loupé leur CAN 2013 (derniers de leur groupe derrière la Côte d’Ivoire, le Togo et la Tunisie et éliminés au premier tour), ils ne sont pas passés à côte de leur sujet en éliminatoires du Mondial brésilien, remportant le groupe H de la zone Afrique devant le Mali, le Bénin et le Rwanda, avant de venir à bout du Burkina Faso, finalistes sortant de la CAN, lors de matchs de barrages marqués par de grotesques erreurs d’arbitrage. Autant de rencontres qui ont permis d’aguerrir une équipe rajeunie et offensive, composée très majoritairement de joueurs binationaux, souvent passés par les équipes de France de jeunes avant d’opter pour le maillot vert.
Forces et faiblesses
Ancien attaquant, aussi attaché à la discipline qu’à une bonne circulation du ballon et à un football de mouvement, Vahid Halilhodzic ne déroge guère à un 4-3-3 classique, dont la force se situe dans l’entrejeu offensif et en attaque. Toujours soucieux de bien utiliser les ailes, le onze algérien compte sur le tranchant de Sofiane Feghouli (FC Valence) et d’Abdelmoumen Djabou (Club Africain) pour servir dans les meilleures conditions les avant-centres Hilal Soudani, meilleur buteur du Championnat de Croatie avec le Dinamo Zagreb, et Islam Slimani, auteur d’une bonne fin de saison avec le Sporting Portugal. Ces deux joueurs issus comme Djabou du Championnat local sont pour beaucoup dans la qualification de l’équipe nationale pour cette phase finale.
Au milieu, Halilhodzic fait le plus souvent confiance à un trident, composé d’une sentinelle et à deux relayeurs. Pour ces derniers postes, les binationaux Saphir Taïder (Inter Milan) et Nabil Bentaleb (Tottenham) tiennent la corde. L’Algérie espère qu’ils compenseront leur manque d’expérience par leur talent, indéniable. Le point faible de l’équipe, s’il faut en trouver, se situera sans doute en défense centrale : la charnière centrale, formée autour du capitaine Madjid Bougherra, rescapé de l’aventure de 2010 en Afrique du Sud, est assez lente. Quant au gardien de but numéro un, Raïs Mbolhi, son manque de temps de jeu en club pose question.
L’équipe type probable : Mbolhi - Mostefa, Bougherra, Halliche (Cadamuro), Ghoulam - Medjani, S.Taïder, Bentaleb - Feghouli, Soudani, Djabou (ou Mahrez).
Ce qui se trame en coulisses
Organisée à l’européenne, la sélection algérienne ne défraie pas la chronique par ses polémiques extra-sportives comme beaucoup de ses homologues d’Afrique Noire. Les coulisses sont en revanche agitées par les tensions larvées entre le président de la Fédération algérienne de football, le très puissant Mohamed Raouraoua, et le sélectionneur Vahid Halilhodzic. Désireuse de voir le Bosnien prolonger au plus vite, l’instance dirigeante lui avait fixé pour la fin janvier un premier ultimatum, auquel l’intéressé n’avait pas donné suite. Par la suite, Mohamed Raouraoua avait reconnu avoir « déjà préparé deux plans B et C, au cas où le sélectionneur national n'accepte pas de prolonger son contrat après le Mondial, mais pour l'instant l'on n'en est pas encore là. » Officiellement, « coach Vahid » ne donnera sa réponse définitive qu’après la Coupe du monde. Officieusement, il ne fait aucun mystère que la FAF a déjà obtenu un pré-accord de Christian Gourcuff, l’emblématique entraîneur du FC Lorient, laissé libre par le club breton.
En attendant, Raouraoua et Halilhodzic affichent une entente cordiale de façade. « Avec l'entraîneur national, nous nous sommes entendus sur tout ce qui a trait à la prochaine participation de la sélection algérienne en Coupe du monde », avait par exemple déclaré le boss de la FAF en février dernier, citant les 8emes de finale comme objectif pour les Fennecs, et continuant sa politique de débauchage des binationaux, avec deux « prises » de choix outre-Manche, avec les naturalisations sportives des milieux de terrain Nabil Bentaleb (Tottenham) et Riyad Mahrez (Leicester City).
Décevants en 2010 avec une élimination dès les phases de poules et aucun but marqué, les Fennecs se hissent en huitièmes de finale pour la première fois de leur histoire.
A lire également sur Mondafrique l'excellent billet de Jacques Marie Bourget, ces Fennecs algériens au passeport français